jeudi 8 mars 2007

Ce qu’a vraiment écrit Robin Philpot

L'aut'courriel n° 223, 8 mars 2007

Ce qu’a vraiment écrit Robin Philpot

par Pierre Dubuc

Les fédéralistes et leurs gros médias sont sur un pied de guerre. À preuve, le traitement innommable fait à Robin Philpot ce matin. Depuis le génocide rwandais, Robin Philpot essaie d’aller au-delà des apparences, de voir ce qui s’est vraiment passé au Rwanda. Il y a trouvé que la main du Général Dallaire ne faisait pas que serrer celle du diable. Il a décortiqué les alliances politico-militaires et le rôle obscur du Canada et de tous ces Canadiens francophones assis autour de la piscine à Kigali. En mai 2003, nous avons publié cette critique du livre de Robin Philpot Ça ne s’est passé comme ça à Kigali . Elle permet à celles et ceux qui n’ont pas le temps de lire le livre d’en comprendre les enjeux et d’aller au-delà du sensationnalisme de bas étage de La Presse.


Vous avez aimé le best-seller Un été à la piscine à Kigali de Gil Coutemanche ? Vous devriez lire Ça ne s’est pas passé comme ça à Kigali de Robin Philpot. Dans cet ouvrage troublant à bien des égards, l’auteur nous invite à une relecture critique du roman de Courtemanche en nous proposant une autre interprétation des événements tragiques du Rwanda en 1994. Le rôle du général Roméo Dallaire, de la juge Louise Arbour et des militants des Droits de l’Homme William Schabas et André Paradis fait également l’objet d’un réexamen.

«Valcourt fut horrifié par la pensée que rien dans cet homme ne lui avait paru humain. » Cette phrase tirée du roman de Courtemanche n’est, selon Philpot, qu’une des nombreuses métaphores bestiales - il en dénombre quatorze - utilisées par l’auteur pour décrire les Rwandais. Des métaphores qui s’ajoutent à d’autres récurrentes dans les romans colonialistes construits sur le modèle du célèbre Au coeur des ténèbres de Joseph Conrad publié en 1902.

Elles se retrouvent toutes, nous dit Philpot, dans Un été à la piscine à Kigali , de «l’abîme épouvantable séparant l’Afrique de l’Europe » au «labyrinthe ténébreux » en passant par l’Afrique «femme étrange ». Des métaphores qui questionnent l’humanité des Africains et que nous avons pu lire des milliers de fois dans les reportages sur ce qu’on a appelé le génocide rwandais.

Une interprétation politique du génocide rwandais

À ces interprétations irrationnelles, Philpot oppose une compréhension historique et politique des événements de 1994. Il rappelle d’abord que, jusqu’au début des années 1960, les Hutus, formés majoritairement de paysans agriculteurs, vivent dans une sorte d’esclavage à l’égard des aristocrates tutsis à qui ils doivent redevances et prestations.

En novembre 1959, les Hutus très majoritaires au Rwanda se révoltent contre l’aristocratie tutsie. De nombreux tutsis s’enfuient alors en Ouganda. Entre 1960 et 1967, des Tutsis exilés lancent à partir de pays voisins de nombreuses attaques contre le nouveau régime rwandais, mais elles sont toutes repoussées.

L’Ouganda est alors un pays choyé par les États-Unis qui le voient comme un rempart contre l’islamisme du Soudan. L’organisation des exilés tutsis, le Front patriotique rwandais (FPR) est également bien vu par Washington. Son leader, Paul Kagame, suivra une formation militaire à Fort Leavenworth au Kansas. Plusieurs de ses collègues feront de même dans les meilleures écoles anglaises et américaines..

Le 1er octobre 1990, l’armée ougandaise, dont plusieurs dirigeants étaient des Tutsis exilés en Ouganda depuis 1959, envahit le Rwanda. Un événement perçu non comme une libération, mais une invasion et une contre-révolution, qui provoque le déplacement d’un million de réfugiés internes.

Plus tard, l’assassinat du président Ndadaye du Burundi voisin entraîne la fuite vers le Rwanda de 375 000 autres réfugiés hutus. Des bouleversements majeurs pour un pays dont il faut savoir qu’il est l’un des plus densément peuplé du monde.

À la présence de cette force d’occupation qu’est le FDR, s’ajoutent les pressions des États-Unis, de l’Angleterre et de la Belgique pour que le gouvernement rwandais négocie avec les envahisseurs et applique le Programme d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale avec son cortège de privatisations. Mais le passage d’un État interventionniste à un État minimaliste ne peut qu’avantager la minorité tutsie plus riche.

En 1991, la Constitution est amendée pour permettre le multipartisme et les pressions internationales redoublent afin que le président Juvénal Habyarimana intègre au gouvernement le FPR et d’autres partis d’opposition. En 1993, l’accord de paix d’Arusha donne le pouvoir effectif au FPR, sans qu’il soit élu. «Les ambassades étrangères fonctionnaient comme si le FPR était au pouvoir », écrit Philpot.

C’est dans ce contexte que le 6 avril 1994, l’avion du président Juvénal Habyarimana et de son collègue burundais Cyprin Ntyaryamira s’écrase et que la guerre civile éclate.

Des francophones de service?

Il n’y a toujours pas eu d’enquête internationale sur cet écrasement d’avion. Mais Robin Philpot raconte qu’un avocat australien, Michael Hourigan, a mené une enquête sous la direction de Louise Arbour, procureure au Tribunal international pour le Rwanda (TPIR) (Rappelons que Mme Arbour a été nommée depuis juge à la Cour suprême du Canada).

Il en a conclu, écrit Philpot, «que l’attentat a été commandité par l’actuel président du Rwanda, Paul Kagame du FPR, et qu’il a été réalisé avec l’aide d’un gouvernement étranger. D’abord enthousiaste, Mme Arbour aurait bâillonné l’avocat et étouffé l’enquête après en avoir discuté avec la secrétaire d’État Madeleine Albright. »

Tout cela nous amène au rôle pour le moins ambigu, selon Philpot, joué par de nombreux Canadiens francophones dans les tragiques événements rwandais. Il dit de Louise Arbour, choisie par la secrétaire d’État états-unienne Madeleine Albright pour siéger au TPIR, qu’elle «n’hésitera pas à faire des déclarations à l’emporte-pièce contre la France, mais elle protégera soigneusement les États-Unis ».

Soulignons que la légalité et la légitimité du TPIR est remise en question par plusieurs juristes parce qu’il a été créé et financé par les États-Unis et que son mandat, contrairement au Tribunal de Nuremberg, exclut toute référence aux guerres d’agression et à l’intervention étrangère, ce qui a pour effet de les légitimer.

Philpot questionne également l’objectivité du général Roméo Dallaire. Il cite des témoins qui affirment que le général se tenait toujours chez Hélène Pinske, une Québécoise mariée à un ministre tutsi. «La descente aux enfers de Roméo Dallaire, écrit Philpot, nous paraît davantage attribuable à l’obligation de mentir relativement aux événements tragiques au Rwanda en 1994 qu’à la psychose traumatique du soldat. »

Philpot prétend aussi que William Schabas et André Paradis, deux des auteurs d’une enquête sur les violations des droits de l’Homme au Rwanda, ont été manipulés lors de leur participation à une commission dont les membres ont passé 15 jours au Rwanda avant d’émettre un rapport qui deviendra l’évangile des ministères des Affaires étrangères de tous les pays qui feront affaire avec ce pays.

Il accuse William Schabas d’avoir fait office de publiciste du FPR et d’être l’auteur de la Loi sur le génocide adoptée par le FPR.

Pourquoi tant de Canadiens francophones ont-ils joué des rôles importants au Rwanda ? Parce que les États-Unis avaient besoin de francophones de service - qui n’étaient pas des Français - pour saper l’influence de la France dans la région et ouvrir la voie à l’influence anglophone de pays comme l’Ouganda et ses parrains impérialistes, l’Angleterre et les États-Unis.



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