L'aut'courriel n° 221, 6 mars 2007
L’affront !
Par Pierre Dubuc
À une semaine, jour pour jour, du scrutin québécois, le gouvernement Harper déposera à Ottawa un budget assez généreux à l’endroit du Québec pour prétendre «régler» le déséquilibre fiscal. Les milliards du gouvernement Harper constituent la plus grosse «commandite» de notre Histoire, la plus grossière manoeuvre pour acheter l’allégeance des Québécois avec leur propre argent. Une telle ingérence fédérale dans les affaires québécoises en pleine campagne électorale est du jamais vu !
Une nation assujettie à une autre nation
Le gouvernement Harper a reconnu la nation-québécoise-dans-un-Canada-uni. Nous en comprenons aujourd’hui pleinement le sens. Le gouvernement de la nation québécoise est assujetti aux décisions d’une autre nation - la nation canadienne-anglaise - pour boucler son budget.
Le «cadre financier» des promesses électorales de Jean Charest le fédéraliste et Mario Dumont le soi-disant «autonomiste» sera finalement défini par le «cadre financier» du budget de Stephen Harper qui n’est lui-même qu’une énorme «promesse électorale».
Car c’est un secret de polichinelle qu’advenant une victoire de Jean Charest, Stephen Harper déclenchera immédiatement des élections fédérales en espérant faire suffisamment de gains au Québec au détriment du Bloc québécois pour former un gouvernement majoritaire. Il lui sera alors possible de réécrire complètement son budget sans devoir tenir compte du Québec.
L’objectif : neutraliser le Bloc, marginaliser le PQ
Les commentateurs politiques du Canada anglais - tel Jeffrey Simpson du Globe and Mail qui ne reconnaît même pas l’existence du déséquilibre fiscal - ont déjà annoncé qu’ils étaient prêts à se fermer les yeux afin de ne pas critiquer le gouvernement Harper pour les «cadeaux» accordés au Québec.
Les fédéralistes flairent la bonne affaire. Ils se flattent déjà les mains de satisfaction, tout convaincus qu’ils sont de pouvoir neutraliser le Bloc Québécois et le Parti Québécois en mettant sur la table suffisamment de milliards de dollars pour pouvoir prétendre «régler» le déséquilibre fiscal et, par le fait même, la question nationale québécoise.
Au Québec, nous voyons les médias s’employer activement à marginaliser André Boisclair en axant la campagne électorale sur un affrontement Dumont-Charest. Dans ce scénario cousu de fil blanc, les débat des chefs et le budget Harper devraient reléguer le Parti Québécois au rang de tiers-parti.
Harper, Charest et Dumont s’entendent comme larrons en foire
L’enjeu de cette élection dépasse largement le cadre d’un affrontement purement québécois. Le gouvernement Harper la conçoit ouvertement comme un tremplin pour sa prochaine campagne électorale avec comme perspective la marginalisation définitive du mouvement souverainiste québécois.
Une victoire du Parti libéral de Jean Charest, suivi de l’élection d’un gouvernement majoritaire conservateur à Ottawa, donnerait le feu vert à l’adoption à Ottawa d’une kyrielle de législations inspirées par la droite chrétienne canadienne-anglaise, au prolongement de la mission militaire en Afghanistan, à l’augmentation exponentielle des budgets militaires - sans que le Québec y trouve son compte comme le prouve le contrat accordé à Boeing - et à des compressions dans les programmes sociaux et les transferts aux provinces.
À Québec, un gouvernement Charest réélu s’appuierait sur les gains obtenus par l’ADQ de Mario Dumont pour légitimer la remise à l’ordre du jour de son plan de «réingénérie» de l’État, c’est-à-dire la poursuite du démantèlement de l’État avec les privatisations et les partenariats privé-public et la continuation de l’affaiblissement du mouvement syndical avec le recours à la sous-traitance maintenant possible avec les modifications à l’article 45 du Code du travail.
Affaiblir le mouvement syndical, c’est également affaiblir le mouvement souverainiste, le premier étant la principale base organisationnelle du second. C’est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups.
Un « love out » pour Harper et ses milliards
Les souverainistes peuvent-ils accepter sans réagir la marginalisation croissante par les médias d’André Boisclair et la neutralisation possible du Bloc Québécois et du Parti Québécois avec les milliards du «règlement» du déséquilibre fiscal ?
Le Québec peut-il accepter comme nation l’humiliation de devoir sa pitance à une décision d’une autre nation ?
Ne serait-il pas pertinent d’envisager la possibilité d’actions à l’extérieur du cadre purement électoral comme riposte à l’affront du gouvernement fédéral de Stephen Harper?
En 1995, les fédéralistes nous ont donné une leçon avec leur fameux «love in» au Carré Dominion. Ne serait-ce pas une bonne idée de rendre la pareille à Stephen Harper et ses milliards avec un «love out» au même carré si bien nommé ?
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